Changement # Transition # Automne (2)

 

 

L’Automne, ou l’achèvement

 

En regardant la nature, l’automne est une fin et tout à la fois un recommencement. Les feuilles tombent, mais les arbres se préparent déjà au printemps. Aussitôt les moissons terminées, le paysan remet la terre au travail, avec le labour, quel travail ! Pour le cultivateur, l’automne est vu comme le début d’un cycle annuel.

 

La période d’achèvement est une période de rupture, de perte, qui se termine par le lâcher prise. En effet, il est impossible d’aller vers la nouveauté si l’ancien nous habite.

 

On peut changer le papier peint, la couleur d’un mur d’une maison ; on peut aussi la rénover en profondeur, cassant des murs, grattant le sol. Tous ceux qui ont rénové de vieilles maisons le disent « on ne sait jamais ce que l’on va découvrir ». C’est ainsi que l’on accepte le risque d’être en transition et l’on vit pleinement ce moment, au présent, en faisant place à ce qui est.  Et oui, l’achèvement s’amorce à partir du moment où le détachement se fait sentir. Ainsi, il n’est pas nécessaire que le changement extérieur soit enclenché pour entrer dans cette phase de transition.

 

Écouter et vivre la tristesse, nostalgie, le sentiment d’abandon est loin d’être agréable. C’est pourquoi on nie souvent cette période de rupture interne, plutôt que de se donner accès à ce qui se passe à l’intérieur, quand quelque chose prend fin. L’achèvement nous invite à sentir ce qui bouge à l’intérieur de nous quand nous entamons le mouvement.

 

Se permettre de vivre l’achèvement, c’est se donner l’occasion de reconnaitre la fin et de la vivre vraiment. C’est un processus de nettoyage, vider ce que nous portons de trop lourd et trop encombrant, afin de faire face ensuite à la nouveauté.  

 

Cette période n’est pas sans heurt. Dans notre culture orientée vers le progrès et la nouveauté, on doit constamment avancer, (re)commencer, aller de l’avant, sans pour autant prendre le temps de terminer et boucler ce qui était. L’achèvement comprend 4 temps, qui peuvent être vécus dans n’importe quel ordre :

  • Le désengagement : c’est le début du processus de changement, c’est ce qui nous entraine dans la transition. Il marque la rupture de la continuité, c’est une coupure dans le contexte habituel de vie.
  • La désidentification : c’est le processus interne du désengagement. En se coupant de ses anciennes connexions au monde, la personne se trouve « sans identité », ne sait plus qui elle est. Comme on a souvent l’habitude de se définir et se présenter en fonction de son métier, la désidentification est particulièrement évidente dans les transitions professionnelles, avec un sentiment de perte de valeurs, avec un impact sur l’image et l’estime de soi.
  • Le désenchantement : c’est l’impression que nous vivons quand nous avons le sentiment que tout s’écroule autour de nous et en nous. C’est la remise en cause profonde de tout notre système de croyances et de valeurs. Plus rien ne va comme on l’a pensé, imaginé. C’est le signe qu’il est temps d’aller regarder sous la surface de ce que l’on pensait acquis. La différence avec la désillusion, est qu’ici il y a abandon complet de ses idées, la personne prend conscience que ses croyances, valeurs profondes ne conviennent plus. Elle se rend compte que pour changer dans le fond, et non juste dans la forme, elle doit accepter que son système de représentation n’est pas la réalité.
  • La désorientation : la personne se sent perdue dans son rapport au temps et à l’espace

 

 

Et la résistance au changement dans tout cela ?

 

Michèle Roberge souligne que « les gens ne résistent pas, ils existent ». Les personnes résistent au processus de lâcher prise, pas au changement. On résiste à la perte plus qu’au changement comme tel. La question essentielle est de permettre à la personne d’explorer la situation telle qu’elle la vit, à quoi elle résiste, et non de contrer ou déjouer les résistances. Reconnaitre ce que les personnes vivent plutôt que les amener à chercher à modifier, minimiser ou catégoriser leurs peurs, résistances ou attitudes. Elles sont en difficulté devant la nécessité de terminer ce qui était et de lâcher prise.

 

Les achèvements non vécus s’inscrivent dans notre chair et notre âme, et ressurgissent quand la vie fait de nouveau une brèche dans notre carapace. La seule façon de guérir une souffrance c‘est de s’en occuper, l’accueillir, l’accepter et la soigner. A la difficulté de quitter et de lâcher prise s’ajoute la peur du vide et de l’inconnu, faire revenir nos vieilles peurs sur la mort et l’abandon.

 

 

Comment vivre l’achèvement ?

 

Aborder l’achèvement, c’est créer de l’espace, de l’ouverture, de l’espérance à travers le brouillard. C’est permettre de reconnaitre les blessures, peurs et doutes. Il est important de regarder la dynamique interne du changement, pour donner de la perspective à ce qui se vit. C’est une porte ouverte vers la nouveauté. C’est donc donner une perspective, tout en respectant le brouillard et la brume.

 

Il est plus facile de quitter ou lâcher prise quand on voit consciemment et clairement ce que l’on quitte. Qu’est-ce qu’il est difficile de quitter ? Qu’est ce qui est agréable de laisser derrière ? Qu’est-ce que l’on garde ? Qu’est -ce que l’on apprend ? Quelles sont nos récoltes ?

 

Certains ont besoin d’être accompagné dans ce qui est vécu et dans la compréhension de ce qui est vécu… Pour pouvoir plonger dans les émotions, peurs, idées, fantasmes, puis nommer, reconnaître et comprendre ce qui se passe. D’autres vont choisir leur propre moyen : écrire une lettre, faire une peinture, suivre le chemin de Compostelle… Cela doit avoir du sens pour la personne.

 

 Extraits et inspirations du livre de Michèle Roberge « tant d’hiver au coeur du changement »